Paule ZANETTACCI
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Le repas du dimanche, préparé à l'ordinaire, pris dans une lenteur festoyante. Le temps se mange.
Les volets rayés en costumes de bagnards, geôliers de la lumière extérieure. De somnolentes couleurs encloses dans les paupières repues. Siestes aux flancs lourds, en robe floue. Les bâillements odorants des lilas sous la marquise de l'après-midi.
Le sursaut du réveil à poings ouverts. Les billets, l'ombrelle. Dans un glissement de ruelles décharnées, parvenir au boulevard, hydre aux têtes d'orangers crêpues. Soupeser la demi-chasteté printanière. La chair est encore bien crue. Sur la place pavée d'ombres nouvelles, sourire aux sourires connus en guêtant l'improbable inconnu.
Portes rouges, capiton du cinéma. A l'intérieur, la pénombre est d'un sourd grenat. L'un après l'autre, soupirent les fauteuils. On est prêt : le film sera bon.
Mais le meilleur reste l'entracte : de l'écran, on redescend dans la salle. On enlève ses lunettes, on se frotte les yeux. A droite, à gauche, il y a toujours quelqu'un. Voix chuchotées sur fond de publicité. Tièdes feux de l'atmosphère enrobée.
Le spectacle reprend. Dans le noir, les retardataires sont funambules sur le fil raidi par la lampe de l'ouvreuse. Le velours carmin chuinte sur l'écran, où l'on rentre en silence. Quelques craquements, une ou deux toux, léger grignotement d'une gourmandise : rien, à côté du bruit de la vie se déployant dans les images de l'autre monde, que nous guettons, spectres d'une réalité éteinte.
Le mot "fin" ranime les lumières, les esprits, draine vers le mot "sortie" des serpentins de spectateurs encore abasourdis.
Dehors le même soleil attendait. Surtout ne pas jeter les tickets, -pourtant sans plus aucune raison d'être- dans le caniveau trop lymphatique pour les emporter. Boulevard. Ruelles. Des critiques encore moëlleuses. Il faut sortir de la fiction, à petits mots, en parlant de la réalité qui recommence à s'éveiller, à nous cerner, dont nous redevenons les tenants visibles.
Vivement que l'on retire ses vêtements trop du dimanche ! Les pieds ont l'air de godiches cirées. Les talons bredouillent sur la pierre. Les jardins nous tirent de parfums en parfums. De l'hiver, passé très simple, à l'été, futur immédiat, la conjugaison aura été abrégée. Dimanche prochain, nous choisirons la deuxième séance, moins chaude.
Dans notre rue, en grande dignité le chat -oublié son poil de la semaine- se pique à notre approche d'un reflet d'angora.
Retrouver les restes des gâteaux de midi. Plus tard, après un raccourci de souper, nous rassemblerons les souvenirs épars du film, que l'on reconstituera, non tel qu'il a été, mais comme, selon chacun de nous, il aurait pu, il aurait dû être. Apprentis cinéastes !
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