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Poèmes

Extrait du recueil
"Images Natives"

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Paule ZANETTACCI
 

xxxxxxxxxx

 

 

Le repas du dimanche, préparé à l'ordinaire,

pris dans une lenteur festoyante.

Le temps se mange.

 

Les volets rayés en costumes de bagnards,

geôliers de la lumière extérieure.

De somnolentes couleurs encloses

dans les paupières repues.

Siestes aux flancs lourds,

en robe floue.

Les bâillements odorants des lilas

sous la marquise de l'après-midi.

 

Le sursaut du réveil à poings ouverts.

Les billets, l'ombrelle.

Dans un glissement de ruelles décharnées,

parvenir au boulevard, hydre

aux têtes d'orangers crêpues.

Soupeser la demi-chasteté printanière.

La chair est encore bien crue.

Sur la place pavée d'ombres nouvelles,

sourire aux sourires connus

en guêtant l'improbable inconnu.

 

Portes rouges,

capiton du cinéma.

A l'intérieur,

la pénombre est d'un sourd grenat.

L'un après l'autre, soupirent

les fauteuils.

On est prêt : le film sera bon.

 

Mais le meilleur reste l'entracte :

de l'écran,

on redescend dans la salle.

On enlève ses lunettes,

on se frotte les yeux.

A droite, à gauche, il y a

toujours quelqu'un.

Voix chuchotées sur fond de publicité.

Tièdes feux de l'atmosphère enrobée.

 

Le spectacle reprend.

Dans le noir, les retardataires

sont funambules sur le fil raidi

par la lampe de l'ouvreuse.

Le velours carmin chuinte

sur l'écran,

où l'on rentre en silence.

Quelques craquements,

une ou deux toux,

léger grignotement d'une gourmandise :

rien,

à côté du bruit de la vie

se déployant dans les images

de l'autre monde, que nous guettons,

spectres d'une réalité éteinte.

 

Le mot "fin"

ranime les lumières, les esprits,

draine vers le mot "sortie"

des serpentins de spectateurs

encore abasourdis.

 

Dehors le même soleil attendait.

Surtout ne pas jeter les tickets,

-pourtant sans plus aucune raison d'être-

dans le caniveau trop lymphatique

pour les emporter.

Boulevard.

Ruelles.

Des critiques encore moëlleuses.

Il faut sortir de la fiction,

à petits mots,

en parlant de la réalité

qui recommence à s'éveiller,

à nous cerner,

dont nous redevenons les tenants visibles.

 

Vivement que l'on retire

ses vêtements trop du dimanche !

Les pieds ont l'air de godiches cirées.

Les talons bredouillent sur la pierre.

Les jardins nous tirent

de parfums en parfums.

De l'hiver, passé très simple,

à l'été, futur immédiat,

la conjugaison aura été abrégée.

Dimanche prochain,

nous choisirons la deuxième séance,

moins chaude.

 

Dans notre rue,

en grande dignité le chat

-oublié son poil de la semaine-

se pique à notre approche

d'un reflet d'angora.

 

Retrouver les restes

des gâteaux de midi.

Plus tard,

après un raccourci de souper,

nous rassemblerons les souvenirs

épars du film,

que l'on reconstituera,

non tel qu'il a été,

mais comme,

selon chacun de nous,

il aurait pu,

il aurait dû être.

Apprentis cinéastes !

 

 


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créé le 22 octobre 2008     révisé 31 octobre 2008