Paule ZANETTACCI |
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Après des kilomètres de petits pas, il déballait sur le perron de notre maison des trésors de quincaillier pour toute une année.
Monsieur le Professeur, disait-il à mon père, des stylos, du cirage, des reliures.
Madame le Professeur, continuait-il pour ma mère, des chiffons, du shampoing, des brosses à reluire.
Mademoiselle le Professeur, finissait-il par moi, des tabliers, des peignes pour poupées, du jasmin.
Il repartait dans une aura parfumée à la citronnelle, à l'antimites.
Courbé sur sa voiture à bras, il saluait tout et tout le monde.
Peu à peu, les ans le cassaient, me grandissaient.
Il venait de plus en plus rarement.
Il ne vint plus du tout.
Je le rangeais avec les figurants de mon enfance.
À des années de là, il réapparut dans le rêve : aussi vieux, aussi petit, aussi déférent.
Il sort de sa malle peau de chagrin les produits du souvenir, et, régulièrement, en quelques gestes il dégraisse la mémoire de ses décennies superflues.
Au milieu d'ustensiles périmés, d'essences figées, je me retrouve à piétiner d'impatience sur le perron de mon existence.
Pouvoir de commis-voyageur.
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