Paule ZANETTACCI
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Rappelle-toi les folles joies de nos visites au mozabite dans la ruelle des hirondelles :
un magasin plutôt un coin où la lumière poussait de claires langues gourmandes sur les offrandes hautes de drap tout un amas multicolore dans un essor de manches floues en satin doux
à bout de bras les cintres plats portant des peaux de calicot rêvaient cousettes qu'un corps s'en vête.
On choisissait ce qu'il plaisait au brun vendeur fort bagouleur de nous laisser dans l'air gorgé persuadées avoir trouvé la bonne aubaine et l'indigène devait sourire de nos plaisirs renouvelés à acheter son linge fin sans nul besoin.
Nous n'osions pas côtoyer la chaste mosquée aux tours nacrées fichées dans l'âme d'un pur Islam et nous passions riant tout rond jetant un oeil sur l'eau du seuil et notre envie sur l'interdit.
D'un sous-sol d'ombre montait un nombre impressionnant de mots chantants qu'un gai piano versait à flots : il stoppait net sur des claquettes mettant bon ordre dans le désordre d'un babillage rien moins que sage.
Y penses-tu à cette rue où nous perdions notre passion d'adolescentes intempérantes ? Un oiseau chante encor sa lente mélodie bleue dans l'angle creux où ma mémoire fait le trottoir.
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